Genèse : le .44 magnum

...beaucoup de choses sont mal sues, sur le .44 magnum...voire totalement ignorées.

...il est beaucoup de gens pour en parler, certains fort savamment

...mais l'eau n'est jamais si pure qu'à la source ; tout bien pesé, celui qui était le mieux placé pour en causer, c'est son "inventeur", Elmer Keith en personne

...je ne vous raconterai pas tout ce qu'il en a dit, notamment par flemme de traduire , mais pour plagier Rabelais, je vais tenter, petit à petit, de vous en restituer la substantifique moëlle

...en 1957, Elmer Keith racontait l'histoire telle qu'il l'avait vécue, et surtout animée, soit un an après la sortie (en 1956) du premier revolver du calibre...autant vous dire qu'il s'agit de données "de première main"  

...ceux qui sont trop pressés, il vaut mieux qu'ils retournent à leurs travaux de couture , car en ce qui me concerne, je n'irai pas vite...j'essayerai juste d'aller comme il faut.

...pour vous mettre en appétit, la photo du S&W n°1, cal. 44 mag. qui était en 4"...eh oui

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...et en prime, exclusivement pour ceux qui ont été très sages , la (trop vieille) photo d'un .44 mag. gravé bien sûr à la main par Hans Pfeiffer...

...les spécialistes ont qualifié ce travail de "top job from an expert" ...y'a de quoi !

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Richement et exquisement ornementé!!!
Bouges pas Robert, j'allume un feu et je prépare les marshmallows pour la suite....

là c'est sur que le 44Magnum associé à de belles gravures ça le fait !
Merci msieur Robert.

...un autre beau travail de gravure sur un .44 4", réalisé par un nommé Rudy Marek...

...regardez comme l'artiste a "absorbé" le monogramme S&W, sur la plaque de recouvrement...

...à juste titre, ces exemples ont été sélectionnés en rubrique Treasury of Engraving.

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Cher Ami Robert 
elles sont issues de quelles ouvrages tes photos ?

...@ Gilou : Gun Digest Treasury 1969

merciiiiiiii 

Merci Et merci encors

...donc

...Elmer Keith s'intéressa très tôt aux charges "musclées" dans les gros calibres...il était en recherche d'une mun. capable de venir à bout des plus gros gibiers d'Amérique du Nord, tirable en arme de poing

...en ces temps reculés, il se rendit vite compte que les parois de barillets des revolvers .45 Colt, 38-40 et 44-40 étaient un peu fines, avec autant de catastrophes à la clé

...le courage mieux que l'argent , malgré la casse, il poursuivit ses recherches ; on était au milieu des années 1920 : très peu de gens savent que c'est à cette époque que le ver s'est mis dans le fruit

...c'est ainsi qu'il mit au point dans un premier temps deux chargements en .44 spécial, avec balles à nez plat de 260 et 280 grains   propulsées par 12,5 grains de poudre n°80 (sur laquelle je ne sais rien ) ; la charge était sûre, la mun. convenable, mais uniquement à courte distance...

...en 1927, un autre projectile fut testé avec la même charge, cette fois à jupe et pointe creuse, qui tirait un peu plus loin, un peu mieux, mais à l'évidence, ce n'était pas encore çà.

...le problème majeur était l'absence d'une poudre adéquate...

...ce chargement resta toutefois "actif" pendant dix ans, car il donnait satisfaction

...ce ne fut que vingt ans après qu'on pût mesurer les vitesse/pression, dans un S&W .44spl : autour de 1200fps pour environ 25.000lbs. Même si les conversions sont à votre charge , pour une mun. artisanale, c'est tout de même pas mal

...des tests certifiés par témoins ont prouvé que l'arme était capable de toucher cinq fois sur six une cible de 4x4 pieds (1,20x1,20 mètre)...à sept cents yards !

...ce chargement fut largement utilisé, à titre officieux, par des policiers officiant le long de la frontière mexicaine , en ce temps-là fort turbulente, au début des années 30.

...on avait mis le pied à l'étrier

...le temps passant, Elmer Keith usa en vain de toute son influence pour que les fabricants de mun. 44 spécial dopent un peu leur cartouche, pour le moins soporifique...rien n'y fit. Il publia article sur article, jouissait d'une grande notoriété, mais les fabricants n'étaient pas prêts

...il profita de travailler avec Douglas B. Wesson (celui de Smith ) dans le cadre de la mise au point de la 357, pour l'orienter vers une .44 magnum, mais apparemment, le temps n'était pas encore venu.

...la musique allait changer de tempo : une nouvelle poudre, la Dupont n°1301, fit son apparition à temps pour doper la 38/44, qui allait devenir la 357 dans les S&W carcasse N...mais le temps qu'Elmer Keith s'y intéresse de près   arrivait sur le marché la poudre Hercules 2400...un tournant était pris.

...les résultats en 2400 permettaient aussitôt d'avoir des chargements supérieurs aux précédents, en toute sûreté, même dans des modèles d'armes les plus anciens éprouvés en PSF...au point que Keith ne fit plus jamais machine arrière, et que la Hercules 2400 resterait sa poudre de prédilection. On était au milieu des années 30, et les fabricants sortaient toujours une .44spl à balle RN 246 grains donnée pour 740 à 770fps. : tout juste la puissance de l'antique .44 Russian à poudre noire

...cependant, dans le fruit, le ver faisait son chemin  ; dans tous les USA, de "petits producteurs" chargeaient selon les prescriptions d'Elmer Keith, soit une SWC 240 grains poussée par 18,5 grains de Hercules 2400, donnant une vitesse de 1200fps (comparez avec la .44spl d'usine !) ...durant cette période, il n'y eut que des clients satisfaits, et aucun accident signalé : on avait trouvé la bonne charge de la bonne poudre

...il se passa ce qui devait se passer : de tout le pays, les appels pour une production d'usine se firent entendre ; Keith n'était plus seul ...on était au début des années 50.

...la suite quand vous aurez terminé vos devoirs

...il est difficile d'avoir une réelle équivalence concernant la poudre Hercules 2400.

...le fabricant Hercules a été absorbé par Alliant, et la poudre est devenue Alliant 2400...malgré quelques coupeurs de cheveux en quatre, c'est le même produit

...grosso modo, cette poudre est plus lente que notre A0, et un peu plus vive que la Sp3 , ceci pour vous la situer...bien entendu, se servir de cette évaluation grossière pour faire une conversion serait suicidaire

Bonjour à vous,
Il n'est pas de "petite" et de "grande" histoire. Merci à Robert pour cette évocation. Figurez-vous qu'il y a quelques jours, avec mon épouse, nous avons rendu visite à R. Herrett à Twin Falls (ID). En digne héritier de son papa, contemporain d'Elmer, Ed et Bill, il fabrique toujours des crosses sur mesures, magnifiques. Il vous prend l'empreinte de la main (enfin son épouse s'en charge!), qui sera stockée dans le meuble idoine. Visitez son site sur la toile, en cherchant "Herrett's stocks". C'est beau, une monture de Contender faite par ses soins. Et on peut commander en ligne, il faut seulement être patient. 
L'artisanat, dans toute sa beauté...
Amicalement,
Michel

...en 1953, Elmer Keith se trouvait à Camp Perry, Ohio.

...la place, outre qu'elle était un camp d'entraînement de la Garde Nationale, était réputée pour ses champs de tir, accueillant nombre de compétitions de tir dans toutes les disciplines.

...il y rencontrait C.G. Peterson, un des tauliers de Remington...ce dernier se trouvait fort intéressé par les charges mises au point en .44spl, et demandait à Keith de passer à la fabrique pour des mesures vitesses/pressions.

...dans le même temps, des contacts soutenus avaient lieu avec Carl Hellstrom, PDG de Smith & Wesson.

...la visite et les tests chez Remington semèrent un tantinet l'effroi , au vu des performances des munitions testées et des armes utilisées, qui n'avaient jamais été construites pour des mun. aussi "pointues". Remington ne promettait rien, sauf de se pencher sur le problème.

...la visite chez S&W apportait un espoir déterminant : la firme se disait capable de fabriquer un revolver autour de n'importe quelle munition que Remington serait capable de mettre au point...çà commençait à sentir bon

...Keith, sentant le vent tourner, insista sur de nombreux points de détail, destinés à avoir une arme bien plus sûre que les vieux modèles de .44spl : renforts, qualité d'aciers, "gas-ring", chambre différente pour une mun. ne pouvant être acceptée par les armes anciennes, etc...bien entendu, à ce stade, il était impératif que tant S&W que Remington travaillent la mano in la mano  ...ainsi fût-il.

...de la fin de l'été 1953 jusqu'au début de 1956, Keith n'entendit plus parler de rien.

...mais à l'intérieur du fruit, le ver mettait les bouchées doubles  

...un petit intermède ?

...de nos jours, sur les tables de rechargement des poudres Alliant, il y a une donnée en .44Mag : derrière la LSWC Keith de 250 grains, 13 grains de 2400, pour une vitesse de 965/fps...

...avec ses 18,5 grains en .44 spécial, Elmer Keith était quand même gonflé !

...le ver s'étant gavé, le fruit tomba enfin de l'arbre

...un soir de janvier 1956, le téléphone sonna chez Elmer Keith

... Smith & Wesson l'avisait que la firme avait fabriqué un gros .44, et que le premier terminé allait lui être expédié

...dans la foulée, Remington l'informait qu'il allait recevoir quelques .44 Magnum (une première avec cette appellation), à balle 240 grains, données pour une vitesse de 1570fps

...ce n'est qu'un peu plus tard que Keith apprenait par le menu l'étendue des test intensifs visant aux mises au point de la mun. et du revolver, impliquant dans un travail ardu et sans relâche les staffs des deux firmes...

...pour sa grande fierté, les fondations de tous ces travaux avaient été coulées dans son atelier, prouvant une fois de plus que les grandes inventions en ce domaine sont souvent parties de "simples" rechargeurs.

...la suite de cette histoire appartient maintenant à l'Histoire...des essais pratiques s'ensuivirent, mais rien ne vint contrecarrer les travaux sur l'arme ni sur la cartouche : on avait bien bossé

...juste pour mémoire, la photo suivante :

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...à gauche, le projectile de Remington, en plomb graissé, avec gas-check ; à droite, celui de Keith...

...autant vous donner un bon tuyau, à ce stade : en revolver .44 Magnum, les chargements les plus efficaces, et de très loin, propulsent la SWC type Keith, coulée en plomb de linotype, et soigneusement graissée au top, calibrée à 429...les essais que nous avons réalisé avec cette balle, à des vitesses un peu au-dessus de 400m/s, m'ont toujours laissé penser qu'il s'agissait de LA combinaison idéale...même aujourd'hui, je ne peux hélas pas en dire plus  

...à partir de ces moments-là, on cesse d'être dans la Genèse  : l'arme avait vu le jour, sa munition pareil, et ce qui a suivi, vous le trouverez dans n'importe quelle documentation.

...à retenir : il a fallu plus de trente ans, et quelques avancées techniques majeures, pour que le rêve d'Elmer Keith puisse se transformer en réalité...bien sûr, je ne vous ai pas communiqué tous les détails, mais ce que je vous ai raconté, c'est l'inventeur lui-même qui l'a écrit : où et de qui trouver mieux ?

...le ver dans le fruit avait bien travaillé 

Merci Robert,
Pour ces indéniables qualité de conteur, en plus!
Amicalement,
Michel

...en annexe, le Smith & Wesson .44 spécial Triple-Lock :

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...ce modèle fut vendu dans quatre calibres différents, en trois versions, de 1907 à 1937...

...c'est donc sur une arme dont la conception remontait du début du siècle qu'Elmer Keith fit ses premier pas en direction du gros "manioum" ...et au vu des résultats qu'il a obtenu, çà en dit aussi long sur la qualité de fabrication (et de composants) du modèle

...j'ai eu, dans une autre vie , une de ces armes en ma possession, en calibre 455 Eley ; je peux vous assurer qu'à tous les sens du terme, c'est du lourd !  

...ne vous demandez jamais si çà tire bien ; ayez simplement la Foi, vous serez entendu 

merci Robert

Merci beaucoup pour ces explications, toujours aussi passionnant de te lire !

j'attends la suite avec impatience 

...je sens que je vais faire de la peine à Gilou, mais l'essentiel de la Genèse du .44Mag, je vous en ai livré les grands traits

...évidemment, sur ce calibre et ces armes, on pourrait dire des choses jusqu'à la Noël, mais ce n'était pas mon but ; je voulais juste vous raconter, sur un témoignage de première main, ce qui d'ordinaire ne se trouve pas dans les manuels d'histoire

...nous avons vu arriver le bébé ; quelques mots sur ses premiers pas, et j'en aurai terminé.

...déjà, tout mignon tout rose, un bébé c'est certes mimi tout plein

...mais çà fait pipi et caca

...apparemment, çà ne doit pas gêner grand monde, car on continue à en faire, et on les aime pareil.

...les premières impressions sur le .44Mag, ce fut du tout bon

...çà tirait loin, fort, et très bien.

...un bémol sur la vitesse : Remington avait annoncé 1570fps ...il s'agit bien entendu d'une annonce d'usine, ces fameuses V° indiquée par le fabricant qu'on a bien de la peine à reproduire...la mauvaise habitude de mesurer les vitesses en usine dans des canons manométriques a perduré jusqu'à nos jours...le plus souvent, les tubes utilisés ont des longueurs que l'on utilise pas en armes de poing

...selon les essais de Keith, les revolvers donnaient des vitesses de l'ordre de 1400fps, ce qui est largement suffisant pour ces boulets en armes de poing.

...le gros avantage des nouveaux revolvers était qu'on pouvait tirer gras sans prendre de risques...plus besoin de se signer avant un essai, ou de brûler un cierge, etc.

...malgré un plomb plus mou que l'alliage tiré par Keith, la balle gas-check de Remington avait un pouvoir de pénétration impressionnant...la photo du tout premier test est bien parlante :

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...l'arme fut ensuite essayée sur tout un tas de matériaux, ainsi que sur de la viande. Celà donna naissance à une frénésie de chasse au revolver : aucun gibier d'Amérique du Nord n'était à l'abri, avec des effets dévastateurs...

...d'autres essais ont induit les utilisateurs en erreur ; les mun. du commerce traversaient certains gilets pare-balle, mais pas tous ... ceux qui se servirent de ces essais à des fins publicitaires en furent pour leurs frais : peu de temps après, il fut démontré scientifiquement que même quand le gilet arrêtait le projectile, celui qui le portait était voué à une mort instantanée

...le rechargement démontra que sur les automobiles, la balle "type Keith" coulée en plomb très durci avait un bien meilleur rendement que celle du commerce...les deux, toutefois, explosaient les blocs-moteurs des véhicules...on en déduisit à tort que la .44Mag pouvait stopper une automobile : éclater un moteur, oui , mais après avoir traversé plusieurs épaisseurs de tôles, non  ... les carrosseries, elles, étaient traversées de part en part quel que soit l'angle de tir... (un bémol personnel : pour avoir refait ces essais trente ans après Keith, j'affirme que rien n'est plus performant sur les automobiles que la SWC coulée en plomb de linotype, car elle pénètre sous des angles d'incidence extrêmement faibles )

...à l'usage, chose bien étrange , Keith arrivait à obtenir en rechargeant, des vitesses égales ou supérieures à la cartouche de Remington, avec apparemment moins de pression. Le temps passant, il laissa tomber les mun. commerciales : il obtenait mieux, avec moins de pression, et pour moins cher

...côté maîtrise de l'arme, Keith, devenu virtuose des charges conséquentes, en vient à se contredire, sans doute emporté par son enthousiasme légitime ; bien sûr, un .44Mag 6" est plus agréable à tirer (ou presque) qu'un Chief's special 2" avec des .38+P...il note toutefois qu'à bras franc, les charges "plein pot" relèvent le canon de l'arme à la verticale...de toute évidence, si les performances du .44 sont hors du commun, ce n'est pas une arme pour utilisation massive, dans des corps constitués : Police, Armée, etc.

...une petite pour la route : après les essais préliminaires, Keith rechargea le .44Mag avec "sa" balle de 250 grains, et 22 grains de poudre Hercules 2400, pour obtenir un rendement très semblable à la mun. de Remington, avec beaucoup moins de pression (sa .44 spécial "d'avant" était chargée à 18,5 grains)

...on voit donc qu'avec les modèles de revolvers du début du siècle, il avait largement mis le pied à l'étrier ; il lui restait à mettre le ver dans le fruit ...mais cette histoire, je vous l'ai déjà contée

Mille mercis Robert!
Pour les curieux, mordus et autres passionnés, on peut se procurer via Amazon et pour un prix décent le livre d'Elmer "Six Guns" en fac simile. L'original est en effet inabordable, plusieurs milliers de dollars. Ce bouquin et vraiment un must, de même que celui de Ed McGivern, que l'on peut se procurer via le même Amazon.
Je pense que celui de Bill Jordan, "No second place winner", devrait aussi pouvoir se trouver de la même façon.
Amicalement,
Michel

MichelB a écrit: Ce bouquin et vraiment un must, de même que celui de Ed McGivern, que l'on peut se procurer via le même Amazon.

..excellent tuyau !

...j'avais le bouquin sur McGivern, offert par un tireur US, qui visitait régulièrement notre stand à Marseille, à la fin des années 60.

...j'ai eu le tort de le prêter à un @## !>& => (et j'en passe) qui ne me l'a jamais rendu...mais j'ai pas mal de choses en mémoire, et pas piquées des vers

...ce qui est à mes yeux le plus étonnant, c'est que celui qui ferait de nos jours un article sur les exploits (y'a pas d'autres mots) d'Ed McGivern serait la plupart du temps regardé comme un huluberlu

Il serait intéressant de faire un post "La bibliothèque du tireur..." 

Si tu m'entends Maitre Robert... 

lenabot a écrit:Il serait intéressant de faire un post "La bibliothèque du tireur..." 

...çà, y'a rien de plus facile

...à tout un chacun de meubler la rubrique...en précisant dans quelle langue les ouvrages sont publiés.

...j'acte, mais il faudra remplir

Super Robert  !